Apprends à connaître la terre

Extrait de « Barone Blixen » de Dominique de Saint Pern.

« Dans la vie, le plus important est de savoir observer la nature. Apprends à connaître la terre, les forêts et toutes les sortes d’animaux qui la peuplent ; tu verras, ils te donneront la clé magique pour comprendre les hommes mais aussi tout ce qui, à première vue, te paraîtra inutile ou artificiel. J’ai traversé des périodes épouvantables, au point d’en perdre la raison. À chaque fois, la terre m’a apporté le réconfort dont j’avais besoin. Tu verras… »

Le temps de l’envol des outardes (Partie 2)

Ce dernier après-midi à Sainte-Anne-du-Lac, je suis Maryanne dans la serre où je récolte les tomates cerises qui n’en finissent pas de rougir.
Maryanne sort vider les plantes aquatiques de la marre aux grenouilles, dévoilant leurs merveilleuses racines indigo.
Après éviction des bulbes flottants et de quelques seaux d’eau, une famille grenouille apparaît en effet. Petites, moyennes, grandes.
Le ciel s’assombrit.
J’aide Réal à désinstaller une clôture.
Je rassemble et remonte les piquets en acier. Ils pèsent un bon poids.
J’emporte jusqu’à la cabane, comme un marchand de tapis, le grillage enroulé.
Réal plaisante sur ma musculature en passe de devenir méconnaissable.
Maryanne remplit des brouettes d’herbes, fleurs, haricots, tomates, œillets d’Inde, bourraches…
Les terres se dénudent.
Toujours et encore, de plus en plus.
Comme les outardes, le sol se prépare à l’hiver. L’hibernation à défaut de la migration.
La fin du cycle de production est tout à fait Continuer la lecture de Le temps de l’envol des outardes (Partie 2)

Dans la brume

J’aperçois au lever les rayons du soleil s’étirer dans la maison.
Il n’est pas encore huit heures, je sors marcher dans la fraîcheur.
J’envoie des pensées de gratitude à voix haute pour ce voyage qui m’a donné à ressentir tant de bonheur et qui s’achève dans deux jours.
Mon projet est de photographier les prés, le vert, le plat, les étendues.
Mais ce matin-là, c’est un épais brouillard qui s’offre à moi.
Je photographie.
Le brouillard, le soleil tout en grosseur derrière la brume, les vaches qui me regardent de là-haut, sur leur colline.
Les champs ont des airs mystérieux.
Les barrières barbelées se détachent avec délicatesse et rude poésie.
C’est soudain.
Je pense à Louis.
Cet arrière-grand-père que je n’ai pas connu.
« Tiré comme un lapin » dans un champ – devenu de bataille – pendant la guerre de 40.
Resté là, son corps, étendu, mort, six mois, avant d’être retrouvé.
J’arrive sur la route goudronnée.
Les pylônes électriques se tiennent droit debout dans le flou.
Le ciel, pour embrasser la terre, semble s’être tendrement déposé tout bas, à genoux.

 

Musique impatiente

Fermer le jardin, toujours et encore.
Je déracine les impatientes de l’Himalaya qui ont gelé dans la nuit.
Je découpe leurs hautes tiges creuses et robustes pour les déposer au compost.
Structurées comme du bambou, elles sonnent aigu ou grave sous les lames du sécateur.
Une subtile musique se joue.

 

 

Le temps de l’envol des outardes (Partie 1)

La fermeture des jardins s’accélère.
Grand nettoyage d’automne.

J’arrache les derniers calendulas pendant que Maryanne coupe les roses trémières.
Le tout, empilé pour compostage, est recouvert de fumier.
Maryanne me fait goûter les feuilles de plantes médicinales : livèche (en fines herbes pour favoriser la digestion par exemple), cataire (en infusion pour dormir, entre autres), anis-hysope (saveur similaire à la réglisse, apaise la fièvre)…

Cela ne nous empêche pas de prendre le temps de quelques escapades.

Un samedi, inauguration d’un nouveau sentier sur la montagne du Diable.
Nous laissons la voiture au parking de la ville de Ferme-Neuve et montons dans un gros bus scolaire tout jaune qui Continuer la lecture de Le temps de l’envol des outardes (Partie 1)

Objets trouvés

Le fumier est livré par des voisins producteurs.
À trois reprises, nous remplissons une remorque que Réal tracte jusqu’au petit champ.
Au champ, vider la remorque.
Pelleter, encore et encore.
Revenir au tas près de la maison. Remplir et repartir.
Le corps se réchauffe vite. Les bras tirent et les muscles réagissent.
Du tas de fumier progressivement entamé, des objets surgissent, insolites.
Vieille cannette écrasée,
Rondelle en métal,
Morceau de plastique s’apparentant à une planche à découper,
Vieux stick à lèvres saveur menthe.
Tout ce bric-à-brac laisse émerger l’impression
Qu’une quincaillerie atypique pourrait s’ouvrir par accumulation.